Erik Truffaz

Un Erik Truffaz Quartet nouvelle formule

Après une parenthèse de deux ans qui a notamment permis à son leader de collaborer à plusieurs projets, le Quartet d´Erik Truffaz a enregistré un nouvel album l´an dernier : "The Walk of the Giant Turtle".
Les quatre musiciens, amis de longue date, ont fait découvrir jeudi dernier au public du grand Angle à Voiron le nouvel univers issu de cette collaboration, foncièrement différent mais qui, à l´image de la formation, n´en finit pas de surprendre.

Interviews

A l´ombre des amplis et éclairages déjà démontés - rangement oblige -, Marcello Giuliani, bassiste italien du Erik Truffaz Quartet, se prête au jeu des questions-réponses…

Benjamin Ribout : Comment se sont passées les retrouvailles après cette parenthèse de deux ans ?

Marcello Giuliani : C´est simple. On avait prévu de se retrouver. En 2001, on s´est dit qu´une pause nous serait à chacun bénéfique, même si on savait qu´on allait rejouer ensemble. Après, les retrouvailles se font simplement, nous sommes amis depuis plus de 10 ans, et on ne s´est pas non plus perdus de vue…

B.R : D´un point de vue artistique, comment cela s´est passé ? Durant cette pause vous avez sans doute évolué différemment.

M. Giuliani : Justement, le fait que l´on s´entende très bien est une chance incroyable. Sur ce disque, on avait envie de se " lâcher " davantage, de faire un truc qui nous corresponde peut-être plus. Personnellement, le fait de mettre de côté la contrebasse sur cet album et pour la tournée m´a permis de complètement m´épanouir. J´apprécie beaucoup ce côté " freaky " qui ressort de certains morceaux.

B.R On sent effectivement que ce côté péchu et même rock, vous le revendiquez tous les quatre…

M. Giuliani : Complètement. On a chacun écouté beaucoup de rock dans notre jeunesse. Même encore maintenant.

(Erik Truffaz passe dans le coin et tend l´oreille. Il intervient à son tour spontanément…)

Erik Truffaz : On est d´ailleurs des grands fans de Radiohead. Tous les standards de notre jeunesse qui ont révolutionné l´histoire de la musique, on les apprécie. De Hendrix évidemment à Led Zeppelin.

B.R : Comment vous êtes vous mis d´accord pour réaliser ce disque et accoucher de ce son plus free, voir rock ?

Erik Truffaz : On peut parler d´un album rock dans l´état d´esprit, la démarche. On l´a enregistré en très peu de temps. On a chacun improvisé à partir de ce que nous avions en tête et voulions développer. Puis, on s´est entendu sur ce qui sonnait le mieux. On était tous d´accord d´emblée pour mettre en avant cette énergie salvatrice. Maintenant, effectivement que ça sonne davantage électrique et parfois psychédélique, mais il y a d´autres sons à des moments qui correspondent sûrement plus à un répertoire de type jazz, disons classique. Il y a quand même la petit touche Miles Davis, " période cool " à plusieurs reprises en pointillé.

M. Giuliani : Nous sommes des grands fans du " Floyd ". J´espère que ça s´est entendu…

B.R : Justement Erik Truffaz, dans votre rapport à l´instrument (la trompette) comment avez-vous abordé ce nouveau départ ? Malgré ce que l´on disait à l´instant, on sent constamment que vous conservez ce rôle d´électron libre, de musicien omniscient et à l´affût.

Erik Truffaz : Tout simplement, je crois que c´est mon style. J´aime bien observé de manière générale. Alors je regarde les musiciens se faire plaisir, se lâcher et j´attends mon tour. Non, sinon mon rapport à l´instrument ne s´est pas modifié, loin de là. Ma trompette sait juste que tous les deux ans, je vais essayer de lui faire sortir de nouvelles sonorités.

B.R : Vous parliez d´écoute et d´adaptation. Qu´est-ce qui s´est passé dans votre tête au bout de trois, quatre morceaux lorsque vous avez réalisé que le public de ce soir n´était pas très réactif ?

Erik Truffaz : C´est évidemment déstabilisant… On a essayé de les remuer et je pense qu´on a réussi à conquérir une bonne partie du public. C´est d´ailleurs dans ces moments là que le challenge est de taille car on fait de la scène pour que se crée cette magie de l´instant partagé. Marc Erbetta (le batteur) a fait son show vocal à un moment inédit et ça a pris. D´habitude, il nous le sort en deuxième rappel. Je crois que c´est bien passé. De toute manière sur les grandes scènes, c´est jamais évident…

B.R C´est important pour vous quatre de surprendre à chaque fois ?

Marcello Giuliani : Je crois que la démarche est différente. On fonctionne à l´instinct, à l´envie et, à chaque collaboration que ce soit pour l´enregistrement d´un disque ou même sur une tournée, il y a des sensibilités artistiques qui s´affirment, évoluent et là, on essaie d´en tenir compte. Pour moi, c´est la définition du musicien, qui veut se faire plaisir et se respecte.

B.R Vous parliez de l´album, pourquoi une tortue géante ?

Erik Truffaz : A la base c´était un jeu de langage : en anglais " giant turtle ", ça déménage ! Puis, en y réfléchissant bien on a souhaité y faire correspondre une sorte de retour sur terre. De mise en garde aussi. Tout va tellement vite aujourd´hui… Cette tortue, c´est à la fois un symbole de stabilité et de sagesse. Elle représente une forme d´authenticité et quelque part de recul vis à vis du monde barbare dans lequel on évolue.

Benjamin Ribout et Séverine Lenglet le 18/03/2004