Mohamed Rouabhi, Moins qu´un chien

Ce week-end à la Rampe, le Grenoble Jazz Festival - en collaboration avec Echirolles Cité Pluriel - nous proposait un spectacle "choc" et engagé.

Dès la première image, Mohamed Rouabhi annonce la couleur : le visage de Jean Genet apparaît, l´un des grands symboles de la culture militante opprimée du XXème siècle, qui a surtout consacré la dernière partie de sa vie à l´engagement politique, notamment aux côtés des Blacks Panthers dans les années 70. Dès les premières notes, la musique se fait oppressante, assourdissante. Pour décor, une boîte de jazz avec une contrebasse, une batterie et un orgue Hammond. Et surtout, deux hommes qui se font face : une voix française et une voix anglaise, qui se font écho, sans vraiment sembler s´entendre, ni même se voir. L´ambiance américaine est là, avec sa langue et son accent.

Le rythme est enivrant, tour à tour violent dans les mots, les images et la musique, puis apaisé, nostalgique et plein d´espoir.

Des cris retentissent, la musique est stridente et les images se font témoins d´un racisme étouffant. Dans cette logique, le jazz de Charles Mingus et de ses pairs est revisité dans un esprit très contemporain, presque "électrique".

La haine des "Blancs" se heurte au désir de vivre des "Noirs" dans l´Amérique raciste des années 50, désir qui se traduit dans le jazz de Charles Mingus et de ses acolytes. Mohamed Rouabhi se sert de l´autobiographie librement adapté de l´artiste, Moins qu´un chien, pour exprimer le désarroi, le désoeuvrement et la violence que les Noirs ont dû subir.

Mais le ton est loin d´être misérabiliste. C´est plutôt la révolte qui gronde, celle d´un peuple qui vit dans des ghettos et qui cherche simplement à vivre. Et à se faire reconnaître, notamment en tant qu´artistes. Parfois dans l´autodestruction (violence, drogue) ou dans la débauche avec des femmes blanches, histoire de faire un pied de nez à cette Amérique puritaine et conservatrice. Rien n´est épargné au spectateur ; le discours et les images sont assez explicites mettre le public mal à l´aise. Mais l´espoir et l´apaisement ne sont jamais loin : "Prends le temps de vivre mon frère. [...] Et prends le temps de l´amour. Et surtout : prends le temps de comprendre".

Mohamed Rouabhi se veut provocateur et cherche à sauvegarder la culture dite "militante". Les artistes sur la scène fument et boivent du vrai whisky, liberté de plus en plus rare sur une scène française. Un débat est même proposé à la fin du spectacle pour tout ceux qui souhaitent pousser plus loin la réflexion avec l´auteur sur cet oratorio d´où l´on ne peut sortir indemne.

Car, comme le dit si bien Mohamed Rouabhi à la fin de son spectacle pour ajouter une pierre à l´édifice de la lutte des intermittents du spectacle : "L´Art est un Droit de L´Homme. L´Art est un Devoir de L´Homme".

Pour plus d´infos, consultez le site de Mohamed Rouabhi : www.lesacharnes.com

Marion Bernard

le 19/03/2004